Dans le cadre de leur formation, les élèves de 3ème ont accueilli Bernard Maingot, ancien déporté de la seconde guerre mondiale. Voici son récit :
Bernard MAINGOT, mémoire de la déportation
Devenir résistant
Je suis issu d’une famille où l’on cultivait le patriotisme. Je n’ai accepté l’occupation allemande. En 1942, j’ai été particulièrement choqué par l’arrestation d’un tailleur juif de ma rue ainsi que par l’exécution pour des motifs politiques d’un de mes voisins. Je voulais entrer en résistance mais je ne savais pas comment faire. Un de mes amis, Louis Enizan, qui avait les mêmes intentions que moi, avait des contacts avec le réseau Libération-Nord. La consigne de cette structure était de rester sur place jusqu’au débarquement allié. En attendant ce jour, je distribuais clandestinement des tracts.
L’arrestation et la déportation
Le 19 février 1944, j’ai été arrêté avec mon père à mon domicile. Le mouvement Libération-Nord avait été démantelé et tous ses membres appréhendés. Enfermé pendant un mois à la prison du pré-pigeon à Angers, j’ai subi des interrogatoires musclés puis j’ai été transféré à Compiègne. Le 5 avril, je faisais partie d’un convoi de 1489 Français en route pour Mauthausen. Après 3 jours de voyage, nous sommes arrivés à destination. Dès l’ouverture des portes, les SS nous ont crié dessus et frappé violemment tandis que les enfants nous jetaient des cailloux.
La vie au camp de Mauthausen
Parvenus au camp, nous sommes passés à la désinfection où les kapos nous disaient que la seule porte de sortie de cet enfer était la cheminée du crématoire. Pour eux, nous n’étions plus des hommes. Après la quarantaine, nous sommes descendus dans une carrière qui était à côté du camp et j’ai été affecté dans un kommando où il fallait charger sur son dos des blocs de pierre et remonter un escalier de 186 marches, tout cela sous les hurlements et les coups de trique. A la fin du mois d’avril, j’ai été transféré à Melk. Des architectes allemands voulaient construire une usine souterraine dans une montagne qui était à une dizaine de kilomètres des notre camp. J’ai alors intégré un kommando à Schaubaü qui avait pour mission de creuser un tunnel et d’aménager des annexes, d’abord juste avec des pelles et des pioches puis après avec des marteaux-piqueurs. On était environ 12000 à travailler sur ce site. J’y suis resté un an.
Transfert vers un autre camp
En avril 1945, la progression soviétique a poussé les Allemands à évacuer Melk vers Ebensee, un autre camp annexe de Mauthausen. Cette structure, prévue pour 600 détenus, en accueillait 18000. Nous avons continué à travailler alors que nous n’avions plus rien à manger depuis 15 jours. Les conditions de vie étaient effroyables. Le dernier mois, 4587 déportés sont morts à cause des maladies, des coups et des carences alimentaires.
La libération
Finalement, les Américains nous ont libéré le 6 mai. Je suis rentré en France le 20 ami, le jour de mes 20 ans. J’ai retrouvé mes parents puis je suis parti en convalescence pendant 6 mois. J’ai repris peu à peu goût à la vie. Je me suis marié en 1947 et j’ai travaillé dans les assurances.
Devoir de mémoire
Résistant de base, j’ai connu le froid, la faim et la violence. Pendant longtemps, j’ai culpabilisé de m’en être sorti alors que beaucoup de mes camarades n’avaient pas eu ce privilège. Je pense en particulier à mes camarades angevins, Jacques François, Gervais Robert et Louis Enizan. Je témoigne pour les absents, pour tous ceux qui n’ont pas pu revoir leurs proches. Mon expérience de la déportation a marqué ma conscience. Malgré la cruauté de mes tortionnaires, je conserve une foi inébranlable en l’Homme. J’ai toujours refusé la haine et j’ai prêché le respect de la vie et la tolérance. Comme l’a écrit l’une de mes filles : « […] Porter le devoir de mémoire, […], c’est aussi transmettre le message de la nécessaire réconciliation, indispensable à la construction d’une vie future, au sein de la nouvelle Europe ». Au nom de tous mes compagnons disparus, j’ai constamment sensibilisé les jeunes générations à ces valeurs, essentielles à la préservation de la paix.
Bernard Mingot, Né le 20 mai 1925, Employé dans le secteur alimentaire. Résistance : LIBRE-NORD – agent de liaison. Arrêté par la gestapo le 19 février 1944. Prisons : Angers – Compiègne, MAUTHAUSEN le 8 avril 1944 – matricule 62739, Kommandos : MELK – EBENSEE.